La dématérialisation des factures : évolution de la réglementation

Interview de Pascal SEGUIN, Avocat Associé chez TAJ


Pascal SEGUIN

Quelles évolutions avez-vous constatées en termes d’évolution réglementaire dans le P2P ?

Pascal SEGUIN: Depuis 2010, nous n’avons pas connu d’évolution majeure de la réglementation, à l’exception des transpositions locales et de l’introduction, en ordre dispersé, d’obligations déclaratives sous forme électronique. Les modalités pratiques sont laissées à l’appréciation de chaque Etat membre. Aucune harmonisation des systèmes de dématérialisation des factures n’est donc possible pour l’instant, d’autant qu’en matière fiscale l’unanimité des Etats membres est requise pour faire évoluer une réglementation.

Appliquées à la France, quelles sont les grandes évolutions en matière de dématérialisation de factures ?

Pascal SEGUIN: L’EDI fiscale à la française n’a pratiquement pas évolué depuis 1991 – ce que je considère comme un gage de qualité. Depuis 2013, les listes récapitulatives doivent être électroniques. La dernière grande évolution remonte au 31 mars 2017. Depuis cette date, les entreprises peuvent s’affranchir de la conservation de l’original papier des factures d’achat dès lors qu’elles les numérisent selon les règles définies dans le livre des procédures fiscales. Le marché est assez mature aujourd’hui.

Si nous évoquons la compliance, la dématérialisation des factures, quels sont les grands challenges technologiques que les entreprises doivent relever ?

Pascal SEGUIN: La blockchain va entrer dans les mœurs. Elle peut être une solution pour garantir l’authenticité de l’origine et l’intégrité du contenu des factures – au même titre qu’une signature électronique. La réglementation européenne le permet déjà puisqu’elle définit seulement une obligation de résultat. Elle cite la signature électronique comme un exemple parmi d’autres. Or, la France a transposé les exemples pour en faire une généralité. Au sens de la loi française, nous sommes donc obligés de recourir à la signature électronique.

Si la blockchain est conforme aux règles européennes, les entreprises ne devraient donc rencontrer aucun souci avec l’administration française.

Pascal SEGUIN: Je ne pense pas que l’administration fiscale voie la blockchain d’un mauvais œil. Simplement, cette modalité n’est pas prévue dans la réglementation européenne et donc dans la réglementation française qui en a fait une transposition « mot à mot ». Les adaptations seront possibles lorsque la blockchain aura fait ses preuves.

Quel conseil donneriez-vous aux entreprises françaises ou internationales implantées en France pour se préparer à la vague réglementaire ?

Pascal SEGUIN: Cette vague réglementaire est désorganisée. Chacun y va de ses propres contraintes, à défaut d’harmonisation. Je conseillerais aux entreprises de bâtir une solution de dématérialisation fiscale qui ne soit pas basée sur la réglementation du pays le moins-disant. Il faut mettre le curseur à un niveau suffisant pour que les adaptations se fassent à la marge.
Il est important d’embarquer les juristes et les fiscalistes dès le début du projet, et de prévoir un accompagnement.

En tant que partenaire de Tradeshift, quelle est votre vision de la plateforme ?

Pascal SEGUIN:Tradeshift est une solution très intéressante, de par sa souplesse technique et ses fonctionnalités inspirées des réseaux sociaux. Elle fonctionne bien en mode collaboratif et doit encore évoluer un peu pour parfaire sa gestion de l’interopérabilité avec les autres opérateurs. Le challenge de Tradeshift dans les prochaines années sera « d’embarquer » le plus de fournisseurs possibles dans sa démarche ambitieuse et nouvelle.